Pourquoi l’Ajecta ?

L’AJECTA est née, il y a plus de 50 ans, de la passion de quelques amis, tous amoureux du vieux chemin de fer, celui des gueules noires et des lignes secondaires. A la fin des années 60, la vapeur était moribonde et son extinction inéluctable. Nombre d’amateurs parcouraient frénétiquement la France, appareil photo en main, pour recueillir des images de ses derniers panaches. Désirant vivre jusqu’au bout sa passion, ce petit groupe va aller plus loin encore en envisageant le rachat de locomotives réformées, avec l’idée de les remettre en état de marche.

Constituée dès 1968, cette équipe s’était initialement rassemblée autour d’un projet de reprise d’une ligne secondaire à voie métrique (Florac – Ste Cécile d’Andorge, voir l’histoire de l’association). Après l’échec de ce projet, l’idéegerme d’une installation en région parisienne et d’une nouvelle orientation vers la voie normale. Le dépôt de Longueville est déniché par hasard (c’était la remise d’Esternay qui était convoitée), mais c’est une visite au dépôt SNCF de Chaumont, en avril 1972, qui est le véritable détonateur. La 130 B 439 est en grande réparation et doit reprendre du service à des fins touristiques (ce qui ne sera finalement jamais réalisé). Pourquoi ne pas faire la même chose ? C’est ainsi que les lignes directrices de l’action de l’association ont été tracées.

La collection de l’AJECTA s’est donc constituée au départ dans une optique « chemin de fer secondaire », avec un objectif de sauvegarder de petites machines, techniquement accessibles à des amateurs disposant d’un outillage limité. Que pouvait-on trouver à l’époque aux environs du dépôt de Longueville ? Des machines typiques des services mixtes, marchandises et voyageurs, sur les petites lignes: 140 C Est, 130 B Est (il n’y avait plus hélas de 230 Est), des machines de banlieue déclassées (141 TB Est), des machines de manœuvre (040 TA Etat) ou des machines industrielles (040, 030, 020). Le sauvetage d’engins plus lointains était difficilement envisageable à cause du coût du transport, souvent plus élevé que celui de la machine elle-même. Des récupérations intéressantes ont ainsi été malheureusement compromises (141 TA PO). Seule exception, la 141 TC Etat, dénichée en Bretagne, car elle fut l’ultime opportunité de sauvetage d’une machine de ce type.

Cette philosophie était raisonnable à l’époque, mais on peut maintenant rêver aux quelques grosses machines qui étaient encore stockées dans les emprises des dépôts, en l’attente d’une expédition vers un ferrailleur. Certaines d’entre elles ont été visitées sur leur lieu de garage (241 A à Noisy les Sec, 150 P à Chaumont, 141 P à Neufchateau, 231 K à Troyes, …), mais elles n’avaient au mieux servi qu’à récupérer des pièces. Malgré une option sur une 141 R nivernaise, celle-ci avait semblé trop lourde et trop complexe à remettre en état. Dix ans plus tard, l’expérience et l’équipement aidant, on peut penser que les choix aient été différents. Rien à regretter toutefois. Ces acquisitions n’auraient pu être réalisées qu’au détriment des premières. Il faut bien se rendre compte que, malgré la relative modestie des prix (la ferraille se vend à la tonne), ces achats ont été supportés par les membres eux-mêmes, imposant souvent de véritables sacrifices (familiaux, entre autres…).

Hormis les locomotives, quelques autorails et locotracteurs, la collection de l’AJECTA compte un nombre important de véhicules (environ 60), mais ceux-ci ont été sauvegardés à des époques et pour des objectifs très divers. Au début des années 70, au moment de la récupération intensive de locomotives, le sauvetage du matériel remorqué n’est pas une priorité. Il est encore très facile de louer pour des circulations spéciales des voitures anciennes datant du début du siècle. On ne cherche alors que la belle pièce ou la pièce rare (voiture pullman 4038 par exemple). L’interdiction précoce des circulations spéciales sur les voies SNCF et un nouveau départ vers une exploitation touristique en 1974 (Chinon-Richelieu) marque le début de la première grande vague d’acquisitions. Des voitures en bois tôlé, à deux ou trois essieux et à portières latérales, d’autres entièrement métalliques mais à plates-formes, sont parfaites pour cet usage. Il était temps car les dernières survivantes ont disparu en moins de 10 ans.

Une scission au sein de l’association en 1979 se traduit par un repli sur Longueville. L’aspect purement muséographique est privilégié avec l’acquisition de matériels rares, comme par exemple la rame dite de St Germain, seule rame historique française, réformée après l’envoi de sa locomotive, la Crampton n°80, au musée de Mulhouse. Avec la nouvelle autorisation de circulation sur le réseau SNCF début 80, la remise en service de la 140 C 231 rend nécessaire l’acquisition d’une rame. Ce sont les voitures Talbot, bien adaptées aux trajets en banlieue parisienne, qui sont choisies pour leur cachet et leur empattement suffisamment court pour être tournées sur le pont tournant du dépôt. Sept voitures sont achetées, mais il faut malheureusement déchanter. Le coût estimé de leur remise en état dépasse toutes les prévisions et il faut se contenter de louer des voitures modernes, en incorporant toutefois dans la rame les voitures Pullman et Restaurant de l’association.

En quelques années, la nature des trains organisés par l’association évolue. Les destinations sont de plus en plus lointaines (St Lazare-Dieppe dès 1984). La mort des voitures des anciens réseaux est programmée à brève échéance et il n’y aura bientôt plus que des voitures « Corail » à louer. La « jeune génération », qui n’a pas connu l’époque pionnière, se lance dans un ambitieux programme de sauvetage.

 Lancé à partir d’une idée initiale de préserver une seule voiture à incorporer dans les rames louées à la SNCF pour les circulations, le projet se transforme petit à petit en celui de rassembler une rame entière, représentative du matériel des anciens réseaux. Le temps presse, le ferraillage suivant de près la radiation des effectifs.

Des trésors dorment encore en plus ou moins bon état dans les garages, mais il faut aller les dénicher. C’est un véritable travail de fourmi qui est effectué sur la France entière pour trouver les « oiseaux rares ». Outre le bon état général de l’ossature et du roulement, deux critères semblent importants, une allure aussi proche que possible de l’état d’origine et le chauffage vapeur pour assurer le confort des voyageurs. Malgré quelques voitures « atypiques » (une Bacalan, par exemple), l’essentiel des sauvetages concerne des voitures OCEM à parois lisses et des voitures EST, typiques des rames ayant circulé sur la ligne 4, celle qui passe à Longueville.

L’option est tout de suite prise d’appliquer une livrée « Anciens réseaux », haute en couleurs (on est souvent loin du vert wagon) mais tout à fait plausible dans les années 30 pour les trains à grand parcours inter-réseaux. C’est finalement une rame de six voitures qui a été remise en circulation, sélectionnées dans un parc de quatorze, sauvegardées en à peine plus de trois ans…
En conclusion, il ne faut pas occulter que maintenir une rame en état de circuler est difficile, par l’ampleur du travail d’entretien et surtout financièrement, les révisions périodiques devant être effectuées dans un atelier SNCF pour obtenir l’agrément de circulation. Seule une partie des voitures métalliques (les seules à pouvoir être autorisées à circuler pour des voyages) a pu être restaurée, les autres voitures attendant une remise en circulation de plus en plus hypothétique. Les voitures d’avant 1930, en bois tôlé, n’auront jamais cette chance.

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